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Lettre ouverte: Ma petite épicerie

4 min de lecture

Lorsque je choisis mes produits, je me plais toujours à connaître le producteur ou le transformateur et le fermier et sa blonde et même le nom de la poule qui a pondu l’œuf qui a servi à la recette de la tarte. Je raconte ensuite à ma manière l’anecdote à mes clients toujours à propos de Germaine la poule dont le nom varie constamment selon les saisons. C’est ma mission.

Note: Ce témoignage a été écrit par Joanne Paiement, propriétaire de l'épicerie fine Huile et vinaigre, dans le quartier Pointe-aux-Trembles à Montréal. Vous vous sentez interpellé(e) par ce témoignage? N'hésitez pas à partager ou lui rendre visite en boutique. ?

Lorsque les grandes surfaces ont fait surface, nous n’étions que de petits épiciers du coin. Les grandes surfaces du haut de leurs bureaux, se sont aperçues que nous résistions parce que nous avions peaufiner l’art du contact humain.

Peu après les grandes surfaces ont copié les petites épiceries en compartimentant par spécialités leurs magasins. On retrouvait des étales de fromages ou de charcuterie, des huiles anonymes de toutes sortes, des vinaigres choisis au hasard, des marques éculées sans goût particuliers et des coupes de viande tellement ordinaires que l’imagination s’était endormie sur son comptoir de cuisine.

Puis tout-à-coup l’univers a redécouvert le plaisir de cuisiner à travers l’audace de certains. Les petites épiceries devinrent ainsi les tremplins pour plusieurs grands noms d’aujourd’hui qui lancèrent leurs créations. Les petites épiceries devinrent Fines. Nous subissions avec joie la découverte de tous les produits du Québec. Nous avons ouvert nos portes et nos armoires à tous les producteurs transformateurs du Québec, de l’ail noir à la fleur d’ail en passant par les Kombuchas de ce monde et la germination et la fermentation et d’atelier de ceci et de cela et passant de longues heures à préparer les tables à inviter les clients à nettoyer à se mettre propre. Nous avons accueilli des débutants professionnels et des professionnels débutants. Nous avons goûté analysé mis gratuitement nos locaux à leur disposition, nous les avons laissé prendre leurs places et avec eux leurs produits qu’ils aimaient comme leurs enfants.

J’ai accueilli des gens formidables et dans ma naïveté je croyais que je resterais la seule à vendre leurs produits. Mais voilà que du haut de leurs bureaux les grandes surfaces ont mis le grappin sur les producteurs, les ont leurrés, les ont fait travailler de longues heures afin qu’ils fassent eux-mêmes la promotion de leurs créations en les pressant comme des citrons et ils ne burent même pas leurs limonades. Après quelques mois on les mettait à la porte.

Moi durant ce temps, fière de leurs succès j’étais prise avec des marges impossibles. Pour garder le produit en étalage il me fallait rétrécir le profit, car n’oublions pas que nous vivons de ce profit. Nous avons des familles et des comptes à payer comme tout le monde. Ceux que nous avons lancés en boutique, les timides producteurs qui nous sollicitent durant l’année et dont nous faisons la promotion, s’inscrivent à tous les marchés de Noël, marchés publics, Foire alimentaires, fêtes gourmandes de ce monde, et deviennent ainsi nos compétiteurs.

Alors résumons la chose : nous, petites épiceries fines lançons les produits pour que nos fournisseurs que nous avons aidé au départ nous fassent compétition à la fin en nous enlevant des parts de marché en vendant eux-mêmes et parfois même lors d’événements à deux pas de chez nous.

Que nous reste t-il à la fin? La passion du métier suffira-t-elle? Moi qui développe le H2H, humain à humain, je dois ruser et me dire à chaque matin en ouvrant ma petite porte, que le Show must go on, et que, la valeur ajoutée, bien c’est moi.

La plus fine petite épicière du coin.

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